La Malaisie compte sur l’huile de palme durable pour conserver l’accès au marché européen

5 February 2020

La Malaisie va présenter ses nouvelles méthodes de production d’huile de palme durable en février. Le pays espère ainsi déjouer les mesures de suppression progressive de cette denrée adoptées par l’UE.

Cela fait une vingtaine d’années que Sounam Kumin, un petit agriculteur malaisien de 65 ans, produit de l’huile de palme. Sur ses quatre hectares de terrain, il produit environ six tonnes de fruits de palmier par an, desquels est extraite l’huile controversée. Cette activité lui rapporte aux alentours de 400 € par mois, assez pour que lui et sa femme puissent mener une vie décente, explique-t-il.

Afin de minimiser les effets potentiels d’une interdiction européenne, Sounam Kumin a commencé à diversifier sa production en plantant notamment des ananas ou des bananes. « Je ne veux pas dépendre d’un seul produit », déclare l’agriculteur.

Il existe peu d’autres produits naturels aussi controversés que l’huile de palme en Europe. Et pourtant, elle représente l’huile comestible la plus utilisée au monde. On la retrouve partout : dans la margarine, les biscuits, le savon, la soupe, le biocarburant…

L’industrie alimentaire consomme à peu près 70 % de la production mondiale d’huile de palme, un marché mondial qu’on estime actuellement à 55 milliards d’euros et qui risque d’atteindre les 80 milliards d’euros d’ici à 2021. En comparaison, le marché européen des biocarburants s’élève à 9 milliards par an.

Selon les chiffres fournis par le gouvernement malaisien, 74 % des terres agricoles du pays servent à la production d’huile de palme. Sounam Kumin est l’un des quelque 600 000 petits agriculteurs dépendants de cette industrie et qui possèdent 40 % des palmeraies.

Mais ces dernières années, des militants écologistes et des consommateurs ont commencé à remettre en cause l’industrie de l’huile de palme, qu’ils considèrent comme étant à l’origine de la déforestation, des feux de forêt et de l’exploitation des travailleurs.

L’année dernière, la Commission européenne a pris ces facteurs environnementaux en compte dans son acte délégué présenté dans le cadre de la Directive sur les sources d’énergie renouvelables (RED II), qui définit l’huile de palme provenant de grandes plantations comme non durable.

L’acte délégué inscrit l’huile de palme sur la liste noire des biocarburants à supprimer d’ici à 2030, conformément à la directive RED II. Cette décision porte un coup dur à l’Indonésie et à la Malaisie, respectivement premier et deuxième pays producteurs d’huile de palme au monde.

L’huile de palme durable contre le soja

Sounam Kumin a conscience que l’huile de palme véhicule une image négative en Europe, malgré le fait que sa production soit certifiée durable. Il a choisi de changer de mode de production pour se conformer à une nouvelle politique mise en place par le gouvernement malaisien.

« L’avenir de l’huile de palme dépend de sa production durable tout au long de la chaîne d’approvisionnement », a annoncé Teresa Kok, la ministre malaisienne des Industries primaires, à la presse internationale en novembre.

En mars, Kuala Lumpur avait décidé de plafonner le nombre d’hectares de palmeraies à 6,5 millions. La ministre a expliqué que ce chiffre, plus élevé que les 5,85 millions d’hectares recensés en 2018, laissait une certaine marge de manœuvre aux producteurs qui avaient déjà replanté des palmiers ou acheté des terres.

Teresa Kok a ajouté que le gouvernement malaisien limiterait aussi l’exploitation des tourbières, interdirait l’abattage de forêts permanentes au profit des palmeraies et établirait une cartographie officielle des plantations.

Par ailleurs, d’ici à la fin de l’année, toutes les palmeraies malaisiennes devraient être certifiées durables, avec une aide gouvernementale fournie aux petits cultivateurs pour remplir cet objectif.

D’après Teresa Kok, 60 % des terres réservées à la production d’huile de palme ont obtenu la certification MSPO (Malaysian Sustainable Palm Oil), qui oblige les producteurs à remplir certaines normes environnementales et de travail. Elle a précisé que le pays asiatique souhaitait que 70 % de ses palmeraies obtiennent la certification MSPO d’ici à la fin du mois de février.

Selon la table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO), environ 13 tonnes d’huile de palme, soit 21 % de la production mondiale annuelle, sont certifiées responsables et durables. Le RSPO est un système de certification volontaire dont les membres venus de plus de 90 pays différents incluent des producteurs marchands, des revendeurs, des acheteurs, mais aussi des ONG.

Le problème ? Seule la moitié de ce type de production est vendue.

« Nous n’observons pas d’augmentation de la demande d’huile de palme durable », déclare Simon Lord, responsable du développement durable pour Sime Darby Plantation, le plus gros producteur d’huile de palme de Malaisie.

Simon Lord a participé à la création d’une plateforme en accès libre qui permet aux consommateurs de retracer le parcours de l’huile de palme Sime Darby jusqu’à l’usine, afin de les rassurer sur leurs engagements contre la déforestation et l’exploitation et en faveur de la conservation des tourbières (le NDPE).

Sime Darby, qui possède des palmeraies en Malaisie, en Indonésie, en Papouasie — Nouvelle-Guinée, au Liberia et dans les Îles Salomon, est le plus grand producteur d’huile de palme au monde par rapport à la superficie plantée. L’entreprise génère environ 4 % de la production mondiale en huile de palme brute et opère dans 14 pays.

D’après le dernier classement du WWF sur l’huile de palme, cette faible demande provient du fait que l’industrie alimentaire soutient difficilement la production d’huile de palme durable.

Des membres du Consumer Goods Forum (CGF), un réseau industriel mondial, se sont engagés à ne pratiquer aucune déforestation tout au long de leur chaîne d’approvisionnement d’ici à la fin de l’année. Néanmoins, le classement du WWF prouve qu’en réalité, peu de mesures sont prises : seuls 10 des 53 membres ont obtenu un score situé dans les 10 % les plus élevés de l’évaluation.

Le WWF ajoute qu’environ un quart des entreprises évaluées investissent dans des projets sur le terrain dans les domaines à risque pour la production d’huile de palme. Un autre quart n’a encore pris aucun engagement sur le sujet.

« Ces résultats démontrent que les accords volontaires ne suffisent clairement pas à faire face à la déforestation mondiale, dont les effets sur la biodiversité et le climat sont dévastateurs », soutient Anke Schulmeister-Oldenhove, spécialiste des politiques forestières au bureau européen du WWF.

Elle ajoute qu’« au vu de la consommation européenne d’huile de palme, mais aussi de bœuf, de soja, de cacao, de maïs et d’autres denrées jouant un rôle clé dans la déforestation, l’UE doit impérativement prendre des mesures législatives pour s’assurer que seuls soient importés des produits “zéro déforestation” sur le marché européen ».

Simon Lord plaide également pour une meilleure différentiation des huiles de palme traditionnelle et renouvelable.

Il a également appelé l’UE à ne pas voir l’huile de palme comme seule coupable de la déforestation. « Est-il sensé d’isoler un seul type de culture en raison de la déforestation et des mauvaises conditions de travail [que celui-ci provoque], sans prendre en compte d’autres productions agricoles, comme le soja que l’on fait pousser en Amazonie en brûlant volontairement les terres ? » a interpellé Simon Lord.

Euractiv, Claire Stam

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