La stratégie européenne sur l’huile de palme s’estompe

7 février 2019

L’Assemblée nationale française a voté pour l’exclusion de l’huile de palme de la liste de biocarburants éligibles pour des aides. Une décision qui aura un impact sur la législation européenne des renouvelables, selon Pierre Bois d’Enghien.

Pierre Bois d’Enghien est ingénieur agronome des régions tropicales, maître en Sciences de l’Environnement (3ème cycle) et auditeur principal RSPO

Le 19 décembre 2018, l’Assemblée nationale française a décidé d’exclure l’huile de palme de la liste des biocarburants éligibles à la minoration du taux de prélèvement supplémentaire de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et ceci, contre l’avis du Gouvernement.

Le sous-amendement N° 1431 du député Bruno Millienne (et cosignataires) a été voté par une courte majorité de 52 voix contre 46 dans une enceinte particulièrement dégarnie, un 19 décembre à 4 heures du matin, juste avant une suspension de séance qui devait être particulièrement attendue par les parlementaires.

Les arguments développés lors des débats sont particulièrement pathétiques, faisant la part belle aux poncifs anti-huile de palme et même à l’intervention de Greta Thunberg lors de la COP24.

Il appert que cet amendement, dont le vote a été applaudi par les ONGs activistes anti-huile de palme, avait pour objectif déguisé de protéger les agriculteurs français producteurs de biocarburants (la filière du colza est mentionnée), alors que cette visée protectionniste n’apparait pas dans les justifications officielles du sous-amendement.

Dans un entretien, le député Millienne ne s’en cache pas. Ne déclare-t-il pas, en plus, :« à mon sens, l’huile de palme ne sera jamais durable » et « j’espère que les producteurs français prendront ce signal comme ils doivent le prendre : c’est effectivement une aide aux agriculteurs, mais à eux de faire le boulot pour faire en sorte qu’ils abîment moins nos terres ».

Le député considère que tous les efforts menés par le secteur de l’huile de palme depuis 2004 pour atteindre des critères ambitieux de durabilité (les derniers efforts s’étant concrétisés dernièrement par la révision profonde des Principes et Critères RSPO ), sont juste méprisables et ne formule qu’un bien faible « espoir » que ses futurs électeurs agriculteurs s’engagent vers la durabilité de leur filière. Quelle différence de traitement, quelle mansuétude pour la filière du colza qui n’a aucun référentiel de durabilité, utilise des OGMs et crée des déserts de biodiversité !

Dans un article publié par Reuters, le Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad, a indiqué que toute tentative d’exclure l’huile de palme des biocarburants en France aura des « répercussions négatives sur la relation de la Malaisie avec la France ». De nombreux emplois et exportations (Airbus, Rafale) sont en suspens. De plus, il est tout à fait possible que cette affaire fasse l’objet d’une plainte à l’OMC, s’il est avéré que l’exclusion française n’est pas conforme au dispositif européen et enfreint les règles du commerce international.

Ce vote de l’Assemblée nationale est contraire à la politique du Gouvernement français et va très probablement le mettre bien mal à l’aise quand il faudra discuter de la transposition de la Directive européenne 2018/2001. Ceci avait été noté par le Gouvernement français dans son sous-amendement 1296 ; nous pouvons y lire : « interdire l’incorporation de l’huile de palme n’est pas conforme au dispositif européen en cours d’élaboration ».

L’article 26 § 2 de la Directive prévoit que la Commission adopte, au plus tard le 1er février 2019, un acte délégué qui devra définir les critères pour la certification des biocarburants présentant un faible risque d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols et pour la détermination des matières premières présentant un risque élevé d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols.

L’huile de palme pourrait-elle être classée en faible risque ? Sans hésiter, je dis « oui ».

La production d’huile de palme à vocation énergétique n’entraîne pas forcément et systématiquement une déforestation dans d’autres zones. De nombreux pays africains, sud-américains, asiatiques se sont engagés à supprimer la déforestation liée à l’exploitation du palmier à huile, les opérateurs privés en prennent également l’initiative.

Tous ces éléments font présager un nouveau développement de la culture du palmier à huile bien plus favorable que ce que les ONGs activistes ont retenu de certains épisodes historiques.

Ainsi, tout développement de la culture énergétique du palmier à huile peut effectivement entraîner un changement d’affection du sol extrêmement favorable en encourageant la culture sur savane anthropique ou la réhabilitation d’anciennes plantations de palmiers à huile abandonnées (plus de 300.000 ha pour la seule République démocratique du Congo). Cela permettrait de valoriser des zones improductives, y fixer du CO2, y améliorer la biodiversité etc. tout en améliorant la sécurité alimentaire des Africains, qui dépendent de plus en plus d’importations d’huile de palme du Sud-Est asiatique pour leurs besoins en lipides et en vitamines A.

Effectivement, la culture du palmier à huile est au sein des oléagineux, celle qui est la plus formidablement performante au point de vue environnemental et social, elle a le moins d’impact sur l’utilisation des sols (nécessite 10 fois moins de surface que celle du soja pour une production égale), celle qui fixe le plus de carbone (1,6 Tonne/ha/an), abrite le plus de biodiversité animale et végétale, fut celle qui a participé au développement de nombreux pays d’Afrique et du Sud-Est asiatique. Sans oublier, pour ceux qui y sont sensibles, que les sélectionneurs du palmier à huile ne recourent pas aux OGM contrairement aux autres oléagineux.

Le palmier à huile ne doit pas être évalué seulement au niveau du risque basé sur certains épisodes malheureux et passés de son développement, mais par les formidables opportunités qu’il offre.

Bannir l’huile de palme n’est pas la solution, même Greenpeace l’admet. Exclure l’huile de palme aurait des effets négatifs.

Les acteurs de la filière huile de palme ont tenu leurs engagements, y compris le MSPO de Malaisie, sont des pionniers en terme de développement durable. Les autres filières, comme le colza ou le tournesol, passent étonnamment sous le radar. Bannir l’huile de palme ne fera que décourager les acteurs qui travaillent à la durabilité de la filière depuis 15 ans !

Les autres filières (colza, soja) et les ONGs activistes qui les protègent, ne seraient-elles pas bien inspirées de se remettre en question? Ne nous trompons pas d’ennemi.

Euractiv, Pierre Bois d’Enghien

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